Détails médiévaux en vrac

Petit billet fourre-tout de notes médiévales diverses et pratiques, par défaut situées au XI et XIIe siècles. Pour le moment tous sont tirés de Georges Duby, Le temps des cathédrales. Pourra entre autre servir à tempérer mon précédent article, plus vieux et pas totalement juste. Le billet sera mis à jour de temps en temps avec d’autres parcelles, ici et là.

  • La famine de 1033 fut l’une des dernières (d’après les Histoires de Raoul Glaber moine clunisien célèbre) ; c’est à cette époque que les disettes s’espacèrent et arrêtèrent de se transformer en famine.
  • Des voyages : « Tout homme, dès qu’il sortait du village de ses pères, se savait partout étranger, donc suspect, menacé. On pouvait tout lui prendre. L’aventure commençait à sa porte, mais le danger ne changeait pas d’intensité qu’il demeurât à deux pas ou qu’il s’en fût vers les contrées les plus éloignées du monde » (Duby). Tous les chefs de la chrétienté (princes, rois, seigneurs, évêques) passaient leur temps à voyager, étaient presque nomades : passer d’un domaine à un autre pour vérifier ses affaires et consommer sur place ses produits, tenir cour ici et là, visiter un sanctuaire, gérer un expédition militaire, etc. Même les simples moines voyagent beaucoup.
  • De l’éducation : à un instant donné et dans toute l’Europe, quelques centaines, peut-être quelques milliers de personnes avaient accès à une instruction  basique, qui se limitait le plus souvent à une exploration de la Vulgate, de la grammaire latine de Priscien. Pour la formation supérieure, pas plus de quelques dizaines dans toute l’Europe, séparés par de grandes distances, qui se connaissent et correspondaient entre eux. Tous appartenaient à l’Église.
  • En l’an mil, l’abbé Guillaume de Volpiano écrivait « Le pouvoir de l’empereur romain qui jadis s’imposait dans le monde entier aux monarques est maintenant exercé dans les différentes provinces par plusieurs sceptres ; tandis que le pouvoir de lier et de délier dans le ciel et sur la terre appartient par don inviolable au magistère de Pierre ». 100 ans plus tard le pape rassemble sous son autorité exclusive la plupart des Églises d’Occident, alors que la féodalité fini de mettre à mal presque partout le pouvoir royal.
  • Si en théorie tous les hommes sont du peuple de Dieu, en réalité la société est fortement divisée. Moines et clercs séparés, comme laïcs et gens d’Église, riches et libres de ceux esclaves du travail de la terre. Mais pour l’Église, il y a unité, et tout tourne autour de « l’ordo qui exprime l’immutabilité des groupes parmi lesquels les individus se répartissent pour marcher, chacun à son pas, vers la résurrection et le salut. Ordre, ordonnance : Dieu, lors de la création, a établi chaque homme à sa place, dans une situation qui lui confère certains droits et qui lui assigne une fonction déterminée dans la construction progressive du royaume de Dieu. Que nul ne sorte de cet état. Tout dérangement serait sacrilège. Et le roi, le jour du sacre, garantissait formellement à chacun des corps de la société ses prérogatives coutumières. […] Nul en ce monde ne pouvait nourrir l’espoir de s’enrichir assez pour sortir de son rang et pour accéder aux échelons supérieurs de la hiérarchie temporelle. Tous les riches étaient des héritiers […] et tous les pauvres peinaient sur la terre même que leurs aïeux avaient fécondés de leur fatigue. Le changement apparaissait comme un accident, il prenait allure de scandale. » (Duby, qui parle ici de grandes catégories, un serf ne devient pas seigneur ; dans le détail au sein d’une même condition la chance, la compétence, les relations et le travail pouvait enrichir ou appauvrir quelqu’un).
  • La Paix de Dieu fut affirmée en Aquitaine et en Narbonnaise à la toute fin du Xe siècle avant de remonter vers le nord, après 1020 jusqu’aux frontières septentrionales. Le peuple se réunissait autour des évêques bardés de reliques, et les puissants devaient jurer serment pour un notice détaillée des actes interdits et des engagements. Cette Paix de Dieu doit en théorie assurer spéciale protection aux parties les plus fragiles, les plus vulnérable du peuple chrétien (Blacky : contre la violence omniprésente amenée entre autre par la féodalité et la montée des chevaliers). Briser ces serments dont Dieu est témoin était sombrer parmi les démons. Exemple détaillé de 1024 : « Je n’envahirai une église d’aucune façon, en raison de la sauvegarde qui la protège ; je n’envahirai pas non plus les celliers qui sont dans l’enclos de l’église. Je n’attaquerait pas le clerc ou le moine lorsqu’ils seront démunis d’arme séculière ni l’homme de leur escouade s’il est sans lance et sans bouclier. Je n’enlèverais pas le bœuf, les vaches, le porc, le mouton, l’agneau, la chèvre, l’âne ni le fagot qu’il porte, la jument ni son poulain non dressé. Je ne saisirai pas le paysan ni la paysanne, les sergents ou les marchands. Je ne leur prendrai pas leurs deniers, je ne les contraindrais pas à la rançon. Je ne les ruinerai pas en leur extorquant leur avoir sous prétexte de la guerre de la guerre de leur seigneur ». Il existe d’autres interdictions plus globales, comme celle des combats à certaines périodes du calendrier liturgique.
  • Peu à peu se répand au XIe siècle le terme vulgaire de chevaliers, pour représenter les hommes qui du haut de leur monture de guerre dominent la masse des pauvres et terrorisent les moines. Ils sont qualifiés par leurs armes et leur aptitude à combattre. Quelques uns viennent de la vieille noblesse, d’autres sont des propriétaires de village assez riche pour ne pas travailler de leurs mains et entretenir un matériel de guerre. Mais s’y joignent aussi des moins fortunés, valets d’armes que les seigneurs nourrissent dans leur château et couchent dans leur salle ; ainsi que des aventuriers venus d’on ne sait où qui se décident à suivre la bannière d’un chef pour le suivre au hasard de ses aventures et combat dans l’espoir de gloire et de fortune. Tous des hommes. Qui pour nombre, et de plus en plus avec les années, héritent de cette fonction. Après avoir appris les armes et la guerre pendant de longues années, ils sont cérémonieusement initiés dans la société des guerriers. Ceux qui héritent de terre deviennent des seigneurs petits ou grands, les autres courent le monde avec des amis du même âge, errent en quête de proies et de plaisirs. Les vertus de la chevalerie sont la « vaillance agressive », la force et le courage physique. Seuls comptent le corps et le cœur, pas l’esprit ; les chevaliers sont illettrés par choix. Dans la société féodale, il apprend à être seigneur et vassal. Obéir à son seigneur, mais aussi redistribuer quand il le peut ses richesses à ses vassaux.
  • Aux serviteurs de Dieu la guerre est en principe interdite, l’Église ne verse pas le sang. Mais beaucoup sont ceux qui ne peuvent résister. Vers Rodrigo Díaz de Vivar (le vrai Cid) s’avance un évêque : « Aujourd’hui je vous ai dit la messe de la Trinité, puis j’ai quitté mon pays et suis venu vous trouver, parce que j’ai envie de tuer quelques Maures. Je voudrais faire honneur à mon rang et à mes mains et, pour mieux frapper, je veux me tenir aux avant-gardes. »
  • En 1167 dans le prieuré de la cathédrale de Cantorbéry, les moines installent un système complet de canalisations amenant de l’eau de source et la répartissant entre plusieurs pièces puis l’évacuait en nettoyant les lieux d’aisance. (Jean Gimpel)
  • L’hygiène médiévale de ces époques est décente, voir même bonne aux XII et XIIIe siècles. Dans le Paris du XIIIe siècle il y avait au moins 32 établissements de bains publics. Il existait aussi des baigneries privées. Et dans tout cela, l’on venait ensemble, souvent sexes mélangés, pour se laver, bavarder, batifoler. Mais ces lieux attirent aussi des comportements jugés indécents, et un soin est apporté à ce qu’ils ne se transforment pas en bordiau. Dès le XIVe siècle, la pruderie limite la clientèle de plus en plus, ce qui fait en quelques années fermer la plupart des bains publics et mènera à l’absence colossale d’hygiène de la Renaissance. (Jean Gimpel)
  • La taille des hommes et femmes est l’une des erreurs les plus longtemps colportée. Richard Steckel l’a prouvé en mesurant et datant des squelettes d’époques. Les hommes du début du Moyen-Âge avaient une taille comparable à la nôtre. Elle commence à décliner légèrement du XIIe au XVIe siècle, pour atteindre un record de bas niveau aux XVIIe et XVIIIe siècles qui n’a été récupéré qu’à notre époque très récente. Le tout s’explique bien par la qualité et la quantité de la nourriture, qui s’écroule à partir des pestes et surtout pendant la petite période glaciaire.

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